Article de presse

En Valais, le foin d’alpage se déguste aussi en gelée, sur du fromage

Quand elle était petite, ses grands-mères marseillaises lui préparaient des ratatouilles et des soupes de poisson, aux doux effluves du Sud. Depuis,
l’amour du terroir ne l’a plus quitté. C’est pourtant un autre parfum, plus rustique, qui embaume aujourd’hui la cuisine de notre hôtesse: celle du foin. Arrivée en Suisse en 2009, Hélène Collins a découvert cette saveur herbacée dans un restaurant gastronomique de Loèche-les-Bains (VS), où elle travaillait en tant que pâtissière. «J’y ai appris à préparer de la glace et de la crème
brûlée au foin. Cela amène des arômes très intéressants. Mais, surtout, c’est un ingrédient local, bon marché et original, qui intrigue les clients.»

Si cette matière végétale est particulièrement tendance sur les tables de grands chefs, qui l’utilisent notamment pour fumer des viandes ou des poissons (voir l’encadré ci-contre), la cuisinière a choisi de la sublimer dans une gelée aromatisée à la pomme, destinée à accompagner le fromage ou le foie gras. Ce produit artisanal est vendu sous le nom de sa petite entreprise, au gré des saisons.

Une infusion herbacée
Actuellement à la recherche d’un local, la Valaisanne d’adoption nous accueille dans son appartement, à Chalais (VS), où bocaux et cagettes en tout genre jonchent le salon dans un joyeux bazar. Avant de se mettre derrière les fourneaux, la trentenaire est allée se fournir auprès de la fa-
mille Besson, à la tête d’une chèvrerie à Grimisuat (VS). Chaque été, ces éleveurs produisent un foin d’alpage non traité, issu de prairies sauvages, pour nourrir leur troupeau. La jeune femme leur a proposé un troc: un peu de cette herbe sèche contre des bocaux de gelée. «Nos stands sont côte à
côte au marché, alors c’est très pratique», indique-t-elle en soulevant le couvercle d’une grande casserole pour humer sa préparation. La veille, elle a mis à infuser durant huit heures 500 grammes de foin dans plusieurs litres de jus de pommes bouillant, confectionné dans le village voisin de Granges (VS), par les producteurs des Vergers du soleil. «J’aime mettre en valeur le terroir local», insiste Hélène Collins. Place maintenant à l’étape cruciale de la
filtration. Méthodique, l’artisane enfile des gants puis presse de petites poignées de foin mouillé au-dessus d’une bassine afin de recueillir un nectar concentré, qui fleure bon le pâturage. Le tout est ensuite passé au chinois, pour enlever les impuretés. Elle y ajoute quelques kilos de sucre blanc, avant de mettre la mixture sur le feu durant une dizaine de minutes. «C’est as-
sez simple. La pomme permet d’apporter une touche acidulée. Ce sont des goûts
francs et gourmands.» Après avoir écumé la mousse formée au-dessus du liquide, Hélène Collins ajoute de la pectine, un gélifiant naturel à base de fruits. Afin de savoir si le procédé fonctionne, elle saisit une spatule en bois, la trempe, puis la ressort. «Si des gouttes se forment, mais qu’elles ne tombent pas, c’est en bonne voie. La gélification sera terminée une fois la température redescendue», assure-t-elle, en nous préparant une appétissante tartine de fromage en prévision de la dégustation.

Artisanat familial
Une fois la préparation versée dans une cinquantaine de bocaux stérilisés, elle les étiquette à la main. «Cela permet de souligner l’aspect artisanal du produit», dit-elle en rangeant son matériel. Le logo a également été dessiné par ses soins, en hommage à ses proches. «On y voit mon fils de 3 ans à côté de deux arbres entrelacés, qui symbolisent mon mari et moi.» Ce dernier, également cuisinier dans la région, la rejoindra prochainement dans cette aventure, afin de l’assister et de mettre en place, à terme, un service traiteur. «Pour l’instant, il s’occupe des terrines. C’est une affaire de famille!» lance-t-elle. Les spécialités du couple sont disponibles dans plusieurs points de vente valaisans comme la Coopérative fruitière, à Bramois, la Migrol de Champlan, la laiterie d’Orsières ou encore Apiflowers, à Vercorin.

Hélène Collins est aussi présente les vendredis au marché de Sion, où de nombreux curieux se pressent pour goûter sa gelée.
«Quand je dis aux gens que c’est à base de foin, ils ne comprennent pas toujours. Ils pensent que je veux dire «coing». Alors je dois souvent leur faire goûter», rigole-t-elle. Et si les mesures sanitaires dues à la pandémie ne permettent plus cette chaleureuse convivialité, il faudra désormais croire la cuisinière sur parole: oui, c’est bien du foin!

Lila Erard

LA PRODUCTRICE HÉLÈNE COLLINS

Bien qu’originaire de Marseille, Hélène Collins n’est pas une adepte
des plages ni des grosses chaleurs. Petite, elle rêvait déjà d’habiter
à la montagne. D’abord attirée par l’Angleterre – la patrie de son
grand-père –, c’est finalement en Suisse qu’elle posera ses valises.
Cuisinière de formation, elle travaillera dans plusieurs restaurants
réputés, comme Les Sources des Alpes à Loèche-les-Bains (VS)
ou la Ferme Asile, à Sion, avant de se lancer en indépendante en
2019. «Ce sont mes amis qui m’ont soufflé l’idée, car je n’arrêtais
pas de leur faire à manger», raconte-t-elle. Aujourd’hui,
l’artisane propose de nombreuses produits, principalement
en conserves, sous sa marque Au gré des saisons, telles que
la gelée de muscat et de petite arvine, le ketchup à l’abricot,
la soupe d’asperges ou encore divers pestos et terrines.

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